Toussaint 2018... Bushcraft crapuleux à la Petite Pierre

C'est bien la peine d'avoir parcouru pratiquement tous les GR de France pour constater un beau matin qu'on a jamais mis les pieds à la Petite Pierre !

La Petite Pierre , c'est le parc des Vosges du Nord, qui se poursuit ensuite de l'autre coté de la frontière avec le Natural Park Pfälzerwald. jusqu'à Kaiserlautern .Autant dire que c'est une très, très, grande forêt .

Nous sommes à 1h10 de voiture, J'intercepte Alessio à 10h du matin, au sortir d'une bringue d'ados qui venaient de fêter les 14 ans de Leo. Allez hop,dans le treillis et une heure de sommeil dans la voiture.

Officiellement j'annonce à notre chère et tendre, un besoin de mise au vert numérique, un "bushcraft initiatique entre père et fils " doublé d'un besoin de tester du matériel en conditions hivernales. Un ramassis de fausses excuses qui passent comme une lettre à la poste ...

Sur un strict point de vue topographique , les Vosges du Nord c'est relativement sage puisque nous nous promènerons autours de 350 m d'altitude, vallonnés avec tout de même de brèves mais rudes grimpettes.

C'est l'endroit idéal pour une mise au vert loin de la civilisation avec des difficultés de débutants. Il faut dire qu'on a bien besoin de ce terrain clément puisque nous embarquons 15 kg de nourriture et d'eau pour tenir tout de même trois jours. Je porte 32kg , Alessio, dix de moins, et il ne vaut mieux pas taper 5 heures de montées en lacets avec un poids pareil sur les épaules.

Nous avons jeté notre dévolu sur la foret d'Eckartswiller et plus particulièrement l'Englishberg dont la particularité est la présence de nombreux abris sous roche , creusés dans le gré par une rivière, il y a un certain nombre de  millions d'années.

L'arrivée dans le village se fait par une splendide route forestière goudronnée mais non traitée en hiver. Nous laissons le véhicule à proximité de la foret et nous nous y enfonçons par le chemin du facteur ... entre Eckartsviller et Sparsbach .

Quarante minutes, en fond de vallée dans la douceur automnale. Le bois est magnifique avec des feuillus parés de leurs plus belles couleurs et des résineux , aux teintes vertes foncées et bleues. Sur notre gauche une zone de ruisseau et de petites mares avec de nombreuses fougères, quelques champignons dont quelques magnifiques spécimens d'amanites tue mouche (vous savez , le champignon des forêts de Walt Disney )

Nous arrivons très rapidement au Rocher de l'Autel , imposant avec ses 8 à 10 m de hauteur et un très bel abris sous roche de trois à quatre mètres de profondeur.
Au dessus , on trouvera les ruines du petit château du Meisenbach , avec quelques belles pierres des sous bassement de l'édifice. Nous y apprenons que leRocher de l'Autel était un lieu de rassemblement religieux depuis le 2eme siècle jusqu'à la Révolution .

Nous remontons ensuite vers le nord en direction de l'étang de pêche . Beaucoup de fougères et surtout, nous observons d'énormes dégâts dus aux sangliers .
Il n'y a pas une pelouse qui ait résisté aux groins fouisseurs des cochons!
L'étang de pêche affiche royalement 5 ares de surface. Ce qui est important pour nous c'est qu'il s'agit d'un point d'eau relativement propre ( d'une part parce que c'est un étang de pêche, d'autre part parce que nous détectons quelques magnifiques nénuphars , indices d'un écosystème relativement sain) il faudra néanmoins filtrer et faire bouillir l'eau.

Nous-nous enfonçons encore un peu plus dans la foret et débouchons sur la grotte de l’Étable à bœufs, notre point de chute pour les trois prochains jours. Ici la nature a fait un travail extraordinaire et a creusé quelques cavités tout à fait habitables. L’Étable à bœuf a réellement servie puisque jusque dans les années 50 les débardeurs venaient en foret avec leur bœufs qu'ils laissaient là la nuit , accrochés à la paroi par un anneau. Ils retrouvaient leurs bêtes le lendemain et leur apportaient du fourrage pour la journée. Ici , on installe facilement trois ou quatre animaux , totalement à l’abri du vent et de la pluie.

Autant dire que pour nous , c'est un véritable 4 étoiles ! L'endroit est propre, aéré, la vue est splendide et l'entrée de la grotte suffisamment sur-élevée pour éviter les mauvaises surprises la nuit . Sur la gauche, on trouve un banc abrité sous un bel auvent naturel et, en faisant le tour du rocher par la droite on y découvre une très jolie grotte -abri assez confortable pour deux personnes et surtout, bien orientée vers le sud.

Passons aux choses "sérieuses" , il est temps d'aménager notre campement : dans l'ordre :

• Couper et ramasser du bois pour la soirée , et ça tombe bien , ici on trouve énormément d'arbres morts sur pieds et quelques résineux au sol.
• Aménager le couchage, pour ce faire j'ai pris avec nous une bâche tarpolin assemblée en sac de couchage avec du ducktape , les feuilles tombées au sol nous procureront un édredon isolant et douillet .
• Pour notre feu , nous avons un problème : nous allons procéder devant la grotte , ici le sol , c'est du roc, il n'y a pas de moyen pour creuser, et, pas de gros cailloux dans un rayon de 100 m . Pour une fois les sangliers servent à quelque chose, nous délimitons notre feu avec des mottes de terre qu'ils ont  créés en recherchant des vers dans la pelouse. Le résultat est assez concluant .

La nuit tombe vite et le "feuer meister" Alessio se met à l'ouvrage . Pour amorcer son feu , alors que d'habitude nous procédons avec de l'écorce de bouleau , il teste des bâtons de bois gras achetés la veille sur Amazon . Résultat mitigé , ça fonctionne , mais sans plus .

Au menu ce soir : entrecôte de bœuf au barbecue, pommes de terre rissolées et /ou pomme de terre à la cendre , en apéro une petite terrine de lapin aux ceps conviendra très bien. La grille pliante remplit son office , même s'il est un peu difficile de faire tenir 800 grammes de viande sur toute la surface. C'est donc avec le ventre bien plein que nous rejoignons nos quartiers pour la nuit.

Un hélico militaire en manœuvre ( la base aérienne de Sarrebourg est toute proche) gâche le silence de la foret pendant une bonne heure , mais rien d'insupportable.

Pour cette aventure nous avons décidé de tester deux sacs de couchage : pour ma part un Highlander Phantom 400 et pour Alessio un sac de couchage Grand Canyon Fairbanks. Le premier est estampillé confort à -7°C et extrême à -33°C , le second , confort à 2°C extrême -21 °C.
Comme la météo annonce 2 °C pour cette nuit , nous somme en conditions optimales pour vérifier la plage haute de la zone de confort. Autant dire que Iera, notre chienne, a particulièrement aimé les sacs. Par contre, nous avons souffert de la chaleur. C'est le problème du sac de couchage surdimensionné par rapport à la météo.... en quelques minutes , même en caleçon , c'est vite l'étuve !

Au petit matin, toutefois, on apprécie . Réveil à 8h ... aucun impératif de temps, toilette et petit déjeuner dans la foulée. Nous jetons notre dévolu sur les mueslis au chocolat de l'armée française et nos sempiternels biscuits trek'n eat , petites tartines de confiture et pour la chienne une boite de César aux petites bouchées de gibier . Il faut ce qu'il faut !

La matinée est consacrée au test de la veste Actikam Solognac vendue chez Décathlon Je vous laisse juger par vous même , dans cet environnement là , ça ne fonctionne pas . La principale critique étant que le tissus est particulièrement brillant. Bilan de la manœuvre: autant se promener en kaki; sans autre fioriture. Nous testerons à nouveau cette veste en conditions plus hivernale. Peut être qu'avec une lumière blafarde de Janvier la tenue est plus efficace.

A midi nous faisons simple avec un peu de riz et un saucisson puis nous partons en vadrouille en foret, histoire de trouver de l'eau potable. En quarante cinq minutes nous arrivons sur une fontaine, l'eau est fraîche , froide ... un véritable régal. C'est aussi l'occasion de faire une petite toilette, ce n'est pas parce que nous vivons dans une caverne  qu'il faut sentir l'ours.
Au retour , je pars dans les bois environnant la grotte , initialement pour capturer quelques belles images d'animaux et en définitive pour revenir avec un petit kilo de bolets...

Pour le soir , après un très long "café clatch " à 5 h , (expression lorraine désignant une longue discussion autours d'un café , occupation favorite de nos p'tits vieux lorrains - avec ou sans mirabelle) nous testons du lyophilisé : MSI Survivor , Rizotto au poulet agrémenté de nos bolets, qui se révèlent d'ailleurs un peu caoutchouteux .
Avantage numéro un du "lyoph " : le poids ;  Ici la portion pour deux personnes pèse 250 grammes , une fois réhydraté, on obtient 850 grammes d'un rizotto correct qui mériterait , histoire de pinailler , un assaisonnement un peu plus viril . Le plus important , pour ce type de nourriture, c' est de bien suivre la recette. C'est 600 ml d'eau, pas plus , pas moins, il faut bien mélanger et refermer soigneusement le sachet pendant la durée indiquée. Pas assez d'eau et vous avez des confettis dans la bouche , pas assez cuit , c'est proprement infâme!
Essayez , pour rire, de rater une purée Mousseline et vous comprendrez exactement  ce que veut dire "infâme".

D’où l'intérêt d'avoir une gourde graduée, et une pince à linge sous le coude pour bien refermer le sachet. Certaines marques méritent plus que d'autres , j'ai souvenir d'un bœuf Strogannof MSI mémorable (en face du Mont Blanc, ceci explique peut être cela ) comme d'un Jambon Lentilles Aptonia  (marque Décathlon) , par contre , très difficile à manger . Avec le lyophilisé , l'aventure prend totalement un autre relief: vous mangez honorablement avec un  poids ridicule !

Les jours qui suivirent furent du même acabit : réveil « quand nos yeux s'ouvrent » , popote de gastronomes et activités ludiques le tout agrémenté de grandes discussions sur l'avenir du monde, ou d'autres détails plus techniques comme l'adéquation du diamètre de la bouteille Nalgene avec le  pot en titane de 600 ml de chez Keith Titanium (sincérement parfois, on arrive à avoir des préoccupation bizarres)  

Nous pratiquons quelques exercices de nœuds essayant même de trouver une quelconque utilité au nœud de botteleuse,  le quel est , comme tout le monde le sait, profilé de telle manière qu'il n'accroche pas dans les branchages.
Après quelques essais et surtout différents tests de faisabilités pour des enfants de 5 à 9 ans, j'en sélectionne trois pour les travaux pratiques des buscrafteurs du mercredi du périscolaire de Buding ( voir leur site ) . Coach oblige, je m'évertue à les faire dans toutes les positions , et les yeux fermés , ce qui fait hurler de rire Alessio.

Samedi Matin... notre réveil en douceur avec 3 °C au thermomètre est dérangé par les grognements de la chienne.. Au loin on entend une troupe arriver... dans la forêt les sons portent loin.

«  Wir sind vom Club Vosgien,
On s'en va le matin,
dans le massif vosgien ,
en chantant ce refrain ..
Les p'tit soiseaux dans la föret ,
qui sing, sang, sung ,(en allemand dans le texte)
si merfeilleusement ... » ( avec l'accent alsacien, s'il vous plait )

Arrivent une vingtaine de randonneurs sur-équipés comme savent l’être les membres du Club Vosgien, avec à leur tête le guide local qui explique en long et en large l'histoire du rocher de l’étable à bœuf, d'où nous sortons , la tête encore pleine de rêves et de feuilles mortes.
Moment de stupeur pour nos visiteurs accueillis en bonne et due forme par notre chien de garde terriblement … affectueux. Nous devisons  sur l'endroit, les pourquoi du comment de notre présence ici , la qualité du balisage tout neuf réalisé par la section locale du club  en sirotant notre café  du matin.  Nos visiteurs nous quittent en nous gratifiant d'ailleurs de quelques coquilles d’œufs sur le sol. Ah lalalalala ! … la rando se démocratise vraiment de trop !

Nous plions bagages en prenant le soin de rendre les lieux plus propres qu'à notre arrivée, avec des sacs bien plus légers, décorés de nos sacs poubelle. Le temps commence tout doucement à virer à la neige , le taux d'humidité monte et nous arrivons tout juste à la voiture avant que ne commence un petit crachin fort désagréable.

Tout va bien , les autochtones n'en ont pas profité pour se faire les nerfs dessus (ce qui n'est pas toujours le cas dans certains coins de la Meuse - #touche pas à mes champignons) et nous rentrons bien calmement chez nous en commentant l'architecture locale qui parfois fait penser aux décors de jeux vidéo sur la seconde guerre mondiale. A croire que les graphistes sont passés dans la région pour s'inspirer.

Si si, et d'ailleurs  on le prouve  :

Arrivé à la maison, nous remettons en condition notre matériel et aprés une bonne douche  mon garnement de coéquipier se rue sur sa PS4!  C'est bien la peine d'avoir passé trois jour au vert pour une désintoxication numérique !

C'est raté pour cette fois , mais qu'est-ce que c'était bien ! On y retournera, peut être en version plus légère et plus « buscraftement correcte » parce que le quartier et cette immense foret méritent qu'on s'y attarde... il faudra  que je trouve une bonne excuse  pour Madame, parce que je crois qu'elle ne nous a pas vraiment cru .

La Petite Pierre, c'est bien  !

Allez, une petite derniere, pour la route !